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05/08/2017 : Fiscalité locale : Quand les ménages compensent les cadeaux fiscaux des entreprises... et même plus...

L’annonce des coupes budgétaires dans le financement des collectivités locales (13 milliards d’euros de dotation globale de fonctionnement sur le quinquennat Macron) participe toujours de la même logique politique économique libérale, laquelle conçoit la baisse des dépenses publiques comme prophétie autoréalisatrice de la « relance » de l’économie.

Cette dernière va d’ailleurs de pair avec d’une part la remise en cause et la réduction des droits des salariés, Cf. Loi Travail I et loi Travail XXL et d’autre part avec les poursuites judiciaires à l’encontre des syndicalistes et salarié-es qui résistent mais aussi, plus anonymement et quotidiennement mais de manière décomplexée, contre celles et ceux qui veulent faire vivre un syndicalisme revendicatif dans leur entreprise.

Concernant les ressources de l’action publique et des services publics, le discours et les actes posés oublient méthodiquement et bien sûr sciemment la question des recettes publiques. Au cas particuliers, la baisse de la contribution des entreprises au financement des collectivités locales depuis plusieurs années.

Il est pourtant assez facile de faire rapidement ce bilan comptable des cadeaux fiscaux déjà accordés aux entreprises pour constater que cette diminution de leur contribution a eu pour conséquence un accroissement de la fiscalité locale des ménages. Connaître l’enveloppe budgétaire globale, c’est bien, mais savoir d’où vient l’argent est aussi une question que nombre de politiques devraient se poser.

Le tour de passe-passe consistant à annoncer une réforme de la Taxe d’habitation -au demeurant un des impôts les plus injustes et des plus inégalitaires – afin de recevoir l’assentiment des ménages dans « la réduction du train de vie des collectivités territoriales » ne saurait « corriger » tant d’un point de vue d’égalité devant l’impôt que de compensation pour les transferts déjà subis par les ménages, la réalité d’une fiscalité locale, principale ressource des communes, départements et régions, largement débonnaire avec les entreprises.

Les données sont disponibles dans le bilan statistique « les collectivités locales en chiffres »qui est un recueil publié chaque année par le ministère de l’intérieur et la Direction générale des collectivités locales 

Connaître le montant des ressources de la fiscalité locale (impôts locaux) dont disposent les différents exécutifs locaux permet d’avoir une idée de la contribution respective des ménages et des entreprises mais aussi de savoir comment cette part évolue depuis plusieurs années.

Ainsi en 2012, le produit des impôts locaux des ménages (taxe d’habitation et taxes foncières) au profit des collectivités locales s’élève à 47,886 milliards. En 2016, ce produit s’élève à la somme de 54,844 milliards d’euros, soit + 6,958 milliards d’euros payés par les particuliers 5 ans plus tard.

Concernant les impôts locaux des entreprises -appelés impôts économiques- c’est à dire la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les impositions forfaitaires des entreprises de réseaux (IFER) et la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), de 23,862 milliards en 2012, la part contributive est de 26,534 milliards en 2016, soit + 2,672 milliards d’euros payés par les entreprises 5 ans plus tard.

Mais si nous prenons l’année 2010 en référence, date à laquelle la taxe professionnelle est supprimée (remplacée cette année là par une compensation relais versée par l’Etat puis les années suivantes par les impôts "économiques"), que constatons nous ?

Impôts locaux des ménages

En 2010, le produit des impôts locaux des ménages est de 41,831 milliards d’euros.
En 2016, le produit des impôts locaux des ménages est de 54.844 Mds, soit + 13,013 milliards d’euros

Impôts locaux des entreprises

En 2010, le produit de la taxe professionnelle est de 31,269 milliards d’euros.
En 2016, le produit des impôts locaux économiques est de 26,534 Mds soit - 4,735 milliards d’euros.

Et depuis 2010 ?

 En cumul par rapport à l’année de référence 2010, l’augmentation de la part contributive des impôts locaux des ménages pour chaque année est la suivante :

2011/2010 : + 3,965 Mds d’euros
2012/2011 : + 2,090 Mds d’euros soit +6,055 Mds /2010
2013/2012 : + 1,975 Mds d’euros soit + 8,030 Mds /2010
2014/2013 : + 1,080 Mds d’euros soit + 9,110 Mds /2010
2015/2014 : + 2,306 Mds d’euros soit +11416 Mds/2010
2016/2015 : + 1,597 Mds d’euros soit +13013 Mds/2010

 Pour les impôts des entreprises, selon les mêmes modalités :

2011/2010 : - 8,302 Mds d’euros
2012/2011 : + 0,895 Mds d’euros soit – 7,407 Mds/2010
2013/2012 : + 0,245 Mds d’euros soit – 7,162 Mds/2010
2014/2013 : +0,943 Mds d’euros soit – 6,219 Mds/2010
2015/2014 : + 1,015 Mds d’euros soit – 5,204 Mds/2010
2016/2015 : + 0,469 Mds d’euros soit – 4,735 Mds/2010

Ainsi, depuis 2011, la baisse cumulée de la fiscalité locale des entreprises par rapport à l’année de référence 2010 leur a permis de bénéficier d’une économie d’impôt de 39,029 milliards d’euros sur six ans.

Sur la même période, les ménages ont eu une contribution supplémentaire de 47,624 milliards d’euros par rapport à l’année 2010.

A l’heure des annonces fiscales de Macron et de son gouvernement, favorables à une fiscalité au profit des plus riches au détriment de la majorité de la population, des salarié-es et des retraité-es, l’annonce de l’exonération de tout ou partie de la taxe d’habitation ne saurait masquer l’accentuation d’une politique fiscale de classe (Baisse de l’ISF, Baisse de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, transfert de fiscalité des possédants et des entreprises sur les particuliers, augmentation de la CSG, prélèvement à la source, etc.).
(D’ailleurs, la diminution des APL de 5 euros (voire 15€) par mois pour faire des économies sur le dos des plus fragiles s’inscrit pleinement dans cette logique.)

L’annonce de Macron de baisser la dotation aux collectivités locales de 13 milliards d’euros trouve comme faire-valoir la baisse prévue du rendement de la fiscalité de la taxe d’habitation. Cette taxe inégalitaire en effet pose de nombreux problèmes au premier rang desquels son injustice.

Pourtant, le tour de passe-passe qui consiste à remettre en cause un impôt local des plus injustes en pariant sur l’effet concret de pouvoir d’achat ressenti par les contribuables, ne saurait justifier la coupe claire dans le financement des collectivités locales.

Cela sert à l’évidence de levier pour fragiliser leur financement, sans jamais au grand jamais, revenir sur le bilan et les conséquences des cadeaux fiscaux aux entreprises et leur dispense partielle mais très conséquente du financement des politiques locales au service de toutes et tous.

De plus, l’approche "comptable" globale évite aussi de tenir compte des réalités très contrastées entres communes, leur niveau de richesse et la diversité des taux appliqués pour le calcul de la taxe d’habitation, même si un lissage a débuté avec la mise en place des regroupements communaux et les métropoles.

Enfin, l’annonce de milliers de suppressions d’emplois de fonctionnaires aura pour conséquence la privatisation de missions publiques au plus grand profit des prédateurs financiers, les coupes budgétaires obligeant les exécutifs à réduire la voilure des emplois publics.

Le Medef et ses troupes sont donc gagnant-gagnant sur tous les tableaux.

C’est pourquoi la grève générale du 12 septembre 2017 à l’appel de la CGT contre la loi travail XXL doit aussi porter ces enjeux de justice fiscale et de moyens budgétaires pour l’accomplissement des missions de service public.

FL.

Sources : http://www.collectivites-locales.gouv.fr


Article publié le 6 août 2017.


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