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11/12/2023. « On entend beaucoup parler des complémentaires santé, mais quel est le but du gouvernement sur les complémentaires, que veulent ils faire ? »

Parmi les sujets qui intéressent au premier chef les retraités il y a le niveau des pensions.
Nous allons être augmentés de 5,2 % au premier janvier. Évidemment + 5,2 % c’est mieux que + 1,5 % pour les actifs. S’ajoutent pour eux en fonction de leur grade une prime exceptionnelle (pénibilité GMBI donc pas pour tous) et 5 points d’indice au 1er janvier.

Pour autant on est quand même loin de la hausse des prix des produits alimentaires ( + 22% en deux ans) ou de la hausse des prix de l’énergie. Je rappelle que d’après le questionnaire dont nous avions pris l’initiative, questionnaire auquel 42 retraités des finances avaient répondu dont une majorité de cadres B originaires de la DGFIP, la pension moyenne tournait autour de 1700-1800 euros en 2022.
Un niveau auquel on est forcément sensible aux prix alimentaires et de l’énergie.
Cela n’a pas empêché le gouvernement de décider cet été de supprimer les chèques vacances pour les retraités au motif qu’ils bénéficieraient de prestations sociales avantageuses (lesquelles ?).

Le deuxième sujet au centre des préoccupations des retraités, c’est incontestablement tout ce qui tourne autour de la santé.
Fin septembre se tenait le rendez vous convivial de l’organisation des retraités CGT au niveau départemental interprofessionnel (l’USR) à Septêmes-les-Vallons. Il y a eu un débat auquel ont participé de l’ordre de 150 à 200 retraités. Certains s’attendaient à ce que le débat tourne autour des pensions ou du service public. En fait le débat a tourné autour des questions de santé car il y a vraiment beaucoup à dire avec, entre autres, la difficulté de plus en plus grande pour obtenir des RDVS médicaux, le casse tête voire la quasi impossibilité pour trouver un ophtalmo ou un dermato qui ne fasse pas payer un supplément (secteur 1), avec le niveau des remboursements pour les médicaments et les actes, avec la situation de l’hôpital public et des services d’urgence en particulier.
Autre événement, jeudi dernier j’ai participé au congrès de l’UL CGT d’Aix. A ma grande surprise et sans que je sois intervenu sur le sujet préalablement, un des sujets qui a été abordé par des actifs a été la question des complémentaires avec notamment la question posée par un délégué de la Régie des Transports du pays d’Aix affirmant : « on entend beaucoup parler des complémentaires, mais quel est le but du gouvernement sur les complémentaires, que veulent ils faire ? »

C’est la question à laquelle je souhaite apporter des éléments de réponse en faisant le point sur le dossier de la réforme de la PSC dans la fonction publique.

 La protection sociale complémentaire a deux composantes : la santé et la prévoyance.

Il y a une première différence entre le projet de réforme de la PSC et la situation actuelle. Aujourd’hui il y a couplage entre les garanties santé et d’autre part les garanties en matière de prévoyance. C’est ainsi que nous sommes beaucoup parmi les adhérents de la MGEFI à avoir souscrit un contrat PREMUO qui couvre les risques en matière de prévoyance. Ce couplage santé/prévoyance a une base réglementaire. Il est placé par le décret du 19/09/2007 au coeur du dispositif de référencement qui régentait la PSC dans la fonction publique jusqu’à présent.
Or, avec le nouveau système il n’y a plus de couplage entre santé et prévoyance.

 C’est pourquoi après un accord sur les garanties santé signé au niveau fonction publique le 26 janvier 2022 qui a été transcrit dans deux décrets du 6/03 2022 et du 26 avril 2022 dont on a déjà parlé lors de notre réunion de l’an passé, le gouvernement s’est attaqué à la prévoyance. Il a cherché un accord sur les garanties prévoyance. Il devrait donc y avoir deux contrats différents, l’un sur la santé, l’autre sur la prévoyance.

Sur la santé je rappelle que les retraités sont exclus du bénéfice de la participation employeur au financement de leur cotisation si bien que le décret prévoit qu’au bout de six ans après leur départ à la retraite les pensionnés payent 3,5 fois ce que les actifs auront à payer alors qu’aujourd’hui c’est sensiblement du même ordre.

Et bien l’accord qui vient d’être signé sur la prévoyance le 20 octobre 2023 exclut maintenant les retraités du système de prévoyance fonction publique.

Les sujets traités par l’accord concernent d’abord l’incapacité, c’est à dire les indemnités maladie, l’invalidité d’origine non professionnelle, le capital décès et la rente éducation pour les ayants droits de l’agent décédé : toutes choses qui ne concernent pas les retraités.

L’accord fonction publique prévoit aussi la possibilité d’accords au niveau ministériel auxquels les actifs auront la possibilité d’adhérer, accords qui bénéficieront d’une participation financière minime de l’État, pour augmenter leurs droits concernant l’indemnisation de la maladie ou des rentes invalidité.
Mais ces contrats seront réservés aux actifs : les retraités eux ne pourront pas y adhérer.

Il est enfin précisé dans l’accord du 20 octobre 2023 signé [1] que les actifs pourront souscrire des options individuelles supplémentaires entièrement à leur charge pour faire face au risque dépendance ou adhérer à des conventions obsèques.
Mais il n’est pas prévu dans l’accord que les retraités puissent y souscrire alors qu’ils sont quand même les premiers concernés par la question de la perte d’autonomie.

 J’ai lu récemment une interview du DG de AG2R La mondiale qui expliquait que AG2R offre des contrats d’assurance autonomie couvrant la dépendance individuelle.

Devront nous souscrire de tels contrats spécifiques pour la dépendance ?

C’est à dire devrons nous nous retrouver seuls face au maquis assurantiel ?

Actuellement ceux d’entre nous nous qui ont pris un contrat PREMUO avec la MGEFI peuvent bénéficier d’une rente dépendance de 573 euros mensuels en cas d’hospitalisation (à condition évidemment d’être en situation de dépendance) ou de 266 euros dans les autres cas.
Mais demain, si le nouveau système se met en place et que la MGEFI ne remporte pas l’appel d’offre en matière de prévoyance, que devenons nous ?
Et même si elle remporte l’appel d’offre, étant donné l’introduction du principe du découplage qui est contradictoire avec notre contrat actuel avons nous l’assurance de pouvoir continuer à bénéficier de nos garanties ? Point d’interrogation.

Nous voilà laissés dans la nature au moment même où tout le monde s’accorde pour dire que les dépenses en matière d’autonomie vont exploser dans les années qui viennent pour atteindre de l’ordre de 12 milliards en 2040.
Ce n’est pas pour rien que le gouvernement vient de décider qu’au printemps 2024 une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge serait présentée. La question posée est qui va payer pour cet énorme chantier. Croyez vous qu’avec la réforme de la PSC envisagée on soit protégé ? Je n’en ai pas vraiment l’impression.

 En nous mettant à part la réforme de la PSC ne va-t-elle pas au contraire permettre qu’on nous présente l’addition ?

Notre collectif CGT Finances PACA a vigoureusement protesté contre le fait que les retraités soient laissés ainsi dans la nature.
Mais rien n’y a fait. L’accord Fonction Publique a été signé au motif des améliorations substantielles apportées pour les actifs par une prise en charge par l’État sensiblement plus importante, en particulier de l’invalidité.

Il faut préciser à ce sujet que dès l’ouverture de la négociation les représentants du gouvernement ont pris position pour l’accroissement de la prise en charge par l’État.

 Pourquoi une telle générosité à laquelle on n’est pas habitué ? Il se trouve que faire payer par les finances publiques (c’est à dire nos impôts) le coût important des rentes invalidité ne peut que faciliter la participation aux appels d’offres des compagnies d’assurance alors que celles ci ont tendance à reculer devant le coût que cela représente pour elles.

 Concernant la santé, après l’accord fonction publique on passe maintenant à la déclinaison ministère par ministère en vue d’établir un contrat car les contrats groupes du public doivent être établis ministère par ministère.
Il est prévu des négociations par ministère pour préparer l’appel d’offre.

Aux finances l’accord de méthode qui cadre la négo en question a été signé par les autres fédérations mais pas par la CGT.
Le projet établi par le gouvernement est conforme à ce qu’on pouvait prévoir : il exclut la possibilité que les représentants syndicaux demandent que les retraités bénéficient du financement employeur, qu’ils demandent une amélioration du panier de soins pris en charge et le retour au couplage santé/ prévoyance.

Autrement dit le cadre fixé exclut toute possibilité de réellement négocier en défense des intérêts des agents actifs et retraités.

Cela ressemble à la négo assurance chômage qui vient d’avoir lieu et qui était totalement verrouillée par le gouvernement. Seule, la Fédération CGT Finances n’a pas signé cet accord de méthode.
Les autres fédérations sont signataires, ce qui veut dire que les futures négociations devraient se tenir dans ce cadre. Pour moi il n’est pas concevable que notre fédération participe à ces pseudo négociations qui visent en fait à associer les dirigeants syndicaux à l’élaboration de l’appel d’offres.

Maintenant il faut répondre à la question du délégué de la Régie des Transports d’Aix : pourquoi cette réforme qu’il faut appeler contre réforme, qu’est-ce qu’il y a derrière ?

Il y a aujourd’hui des éléments supplémentaires. Par exemple le remboursement des soins dentaires par l’assurance maladie est passé de 70 à 60 % depuis le 1er octobre. Cela représente un transfert de charges de 500 millions de la sécu vers les complémentaires en année pleine.

Le dirigeant de AG2R La Mondiale évalue à 1, 4 milliard le total des transferts nouveaux de la sécu vers les complémentaires pour 2024.
Et ce n’est pas fini puisque depuis 2022 la loi de financement de la sécu a acté le fait que chaque année des risques représentant des centaines de millions de charges seraient transférés aux complémentaires.

Pour mener à bien cette politique de transferts, le gouvernement a créé en 2022 un nouvel organisme : le Comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDOC).

Il ne s’agit pas d’un gadget : il a été évoqué le fait qu’à terme le remboursement des actes infirmiers et les soins de kiné pourraient être transférés aux organismes complémentaires.
D’après un questionnaire fait par l’UCR (l’organisation des retraités CGT au niveau confédéral national) un pourcentage tout à fait conséquent de retraités n’a pas aujourd’hui de complémentaire.

Le transfert des actes infirmiers et les soins de kiné aux complémentaires serait donc catastrophique pour eux.

Mais cela ne veut pas dire que ceux d’entre nous ayant souscrit une complémentaire seront épargnés car les transferts de charges conduisent inévitablement à l’explosion des tarifs des complémentaires.

Cela a déjà commencé puisque pour 2024 il est annoncé une augmentation comprise entre 8 et 12 %pour les contrats de groupe.
Par exemple AG2R annonce 8 à 9 % d’augmentation en 2024 en santé et 4 % en prévoyance.

Il y avait déjà le 100 % santé mis en place par Macron dès son premier mandat qui a constitué une charge supplémentaire pour les complémentaires, s’y ajoutent maintenant les transferts de risques.

 Autre conséquence de cette réforme de la PSC : avec les appels d’offres les mutuelles historiques vont être directement confrontées à la concurrence des assureurs privés.

Elles vont être obligées de s’aligner encore davantage sur leurs règles qui n’ont rien à voir avec la solidarité puisque par définition ils cherchent à faire du profit.
D’ores et déjà les mutuelles historiques s’y préparent, elles multiplient les plans de suppressions d’emplois.

C’est ainsi qu’après la MGEN, c’est maintenant la mutualité française qui annonce la suppression de 25 % de ses emplois avec un plan social.

Donc pour résumer : la machine en route est celle du désengagement de la sécu, de la remise en cause du principe fondamental de la sécu, la solidarité inter générationnelle, qui pousse inexorablement à l’augmentation massive des cotisations des retraités que ce soit en santé ou bien en prévoyance.

Tout cela pour décharger le patronat du versement de cotisations sociales à la sécurité sociale. Le patronat qui bénéficie déjà de l’ordre de 160 milliards de subventions de l’État, ce qui fait dire à certains économistes qu’on est passé du welfare state au corporate welfare state, de l’État providence à l’État providence pour les entreprises.

Ce qui est programmé c’est la remise en cause de la sécu de 1945, sa réduction à un panier de soins restreint, à charge pour les assurés et en particulier les retraités, car ce sont les retraités qui coûtent cher, de se payer les complémentaires permettant de couvrir les risques désormais non couverts par la sécu.

On ne peut pas défendre la sécurité sociale de 45, la sécurité sociale à 100 % comme le revendique la CGT et s’associer à cette politique.

C’est pourquoi j’estime qu’il ne faut pas que la CGT s’implique dans les pseudos négociations au niveau du ministère qui visent à mettre en place ce nouveau système mortifère.

Il faut au contraire que la CGT garde les mains libres pour combattre pour l’abrogation de tous les textes qui mettent en place cette contre réforme, qu’elle garde les mains libres pour lutter contre les déremboursements et le désengagement de la sécu, c’est à dire pour la défense de la sécu de 45, notre acquis numéro 1, dans la perspective d’une sécu à 100 % prenant en charge tous les risques, y compris la perte d’autonomie, et remboursant intégralement.

Article publié le 11 décembre 2023.


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