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02/03/2018 : Une inquiétante dérive managériale sur l’identification et la classification PSY des agents « difficiles »

Une inquiétante dérive managériale

Sur l’identification et la classification PSY des agents « difficiles »

En ce début d’année 2018, le Pôle Pilotage et Ressources (PPR) de la Drfip 13 a organisé trois journées d’étude sur l’activité de ses divisions à destination des chefs d’unité du réseau.

L’après midi était occupée à une seule thématique, intitulée : « La gestion des agents difficiles ». La CGT Finances publiques 13 a eu connaissance de ce document.

 Peut-être allait-il s’agir d’une conférence sous l’égide de l’action sociale, des médecins de prévention, du CHSCT avec une pluralité d’intervenants qualifiés.
 Allait-il être question de la prévention des risques psychosociaux et les mesures utiles de prise en charge ou d’accompagnement, de suivi social et médical ?
 Serait-il question du Burn-Out ? Du harcèlement ?

 Quelle déclinaison ensuite envers l’ensemble des agents du réseau ?
 De telles hypothèses auraient obligé l’administration à impliquer les acteurs concernés, y compris les représentants du personnel.

En fait ce fut un powerpoint, un diaporama à destination de celles et ceux qui ont « autorité », qui assurent des fonctions « managériales ».

Agents en difficultés ou agents difficiles ?

Déjà l’intitulé de la thématique dans l’ordre du jour de cette journée PPR a questionné les représentants CGT du personnel.
S’il était déjà commun d’entendre (hélas !) parler de « public difficile » en lieu et place de public « en difficulté » pour les conditions de travail à l’accueil, l’adoption dans un cadre administratif et managérial du terme difficile pour qualifier les agents de notre propre administration renvoie forcément à un signifié exonérant ipso facto l’environnement et le contexte de la situation de travail et au travail.

Dans la même logique, comme le public difficile le serait par nature – et intrinsèquement-, l’agent des finances publiques difficile le serait également.
Il y a là une essentialisation qui n’est pas acceptable pour la CGT.

C’est peut-être pour cela d’ailleurs, que l’auteur du diaporama précise en ouverture de la présentation : « Un agent en difficulté n’est pas obligatoirement un agent difficile. En revanche un agent difficile est toujours un agent en difficulté ».
Et sur la diapositive suivante, de décliner pour l’agent en difficulté une dégradation de la qualité du travail et des relations sociales en énumérant des causes multiples, exogènes ou pas (santé, relations familiales, situation financière, dégradation de la manière de servir...).

Oui le contexte c’est important, mais nous remarquons qu’il n’est pas fait mention du travail, de son organisation, du sens de ce que l’on fait ou au contraire de la perte de sens, de la finalité. Rien sur les moyens, rien sur l’individualisation des tâches et la dégradation du collectif de travail... Voyons la suite...

La lecture des informations portées sur « l’agent difficile » - puisque c’est l’objet principal de cette séance et l’intitulé de l’après midi d’étude- va démontrer que ce préalable distinctif en difficulté/difficile n’est qu’une précaution d’usage, laquelle sera rapidement oubliée par la teneur des « informations » diffusées et la logique managériale qui la justifie.

Les agents difficiles au travail.

Il est précisé dans le diaporama : « Il est important et utile de pouvoir classifier et identifier certains types de personnalités difficiles afin de mieux comprendre leurs réactions (…) et avoir envers eux les comportements appropriés ».
Puis cette précision : « Parmi les agents difficiles, il peut y avoir également des personnes dangereuses ».
Et enfin le conseil type : « il faut accepter les agents difficiles mais il faut savoir s’en préserver. Leur comportement ne résulte jamais d’un choix et le rejet ne peut qu’aggraver les choses ».

A ce stade, nous en concluons que l’agent difficile est forcément un subordonné.

Classifier, identifier, qualifier et savoir s’adapter... Voilà la consigne donnée aux chefs d’unité.

Le management et la verticalité hiérarchique se rappellent à nous, en même temps que chacun, chacune, a forcément au dessus de lui un autre responsable « manager » qui peut lui aussi classifier, identifier, qualifier son subordonné. Mécanique. Imparable.

Nous sommes dans la prescription, loin d’une approche active et dynamique impliquant l’agent, le collectif de travail, l’encadrement et les personnes qualifiées au premier rang desquelles les médecins de prévention.

Puis, le « savoir-être » fait irruption, comme bouclier protecteur : accepter les agents difficiles est le préalable nécessaire pour les amener à modifier certains de leurs comportements (…) afin de prévoir et de faire face aux problèmes qu’ils posent ».

Puis le diaporama aborde la résistance au changement.

Sauf que par une pirouette, (Ah ! Le signifiant et le signifié !), si dans un cadre managérial, la résistance au changement c’est surtout et avant tout « l’archaïsme, l’immobilisme, l’habitus de l’employé face à la nécessaire conduite du changement » initiée par celles et ceux qui savent... en gros, « l’adhésion aux valeurs de l’entreprise »... ce même cadre de journée d’étude circonscrit la résistance au changement à la seule personnalité de l’agent difficile et aux difficultés qu’il rencontre à se changer lui même : « ces personnalités éprouvent beaucoup de mal à se changer elles-mêmes et ne perçoivent pas toujours leur comportement comme inadapté ».

Et des diagnostics sont assénés comme « elles sont tolérantes (SIC !) par rapport à leurs troubles, les traits difficiles faisant partie de leur personnalité, d’où leur résistance au changement ».

Il est donc question de troubles...

 Mais qui fait le diagnostic ?
 Qui est habilité à le réaliser ?
 Sous l’égide de quelle tutelle ce diaporama – qui porte l’estampille de la Direction Générale- a t-il été conçu ?

La CGT a cherché sur le moteur de recherche transverse (MDR !) : rien trouvé !

Les médecins de prévention ont-ils été consultés ?

Le CHSCT a t-il été saisi pour avis ?

Car désormais, dans ce diaporama, il va être question de diagnostiquer, de classifier.

Mais qui va diagnostiquer ces « troubles » ? Les chefs d’unité !

Les diapositives qui suivent nous livrent par « agent difficile au travail »,

  • les caractéristiques,
  • la vision du monde,
  • comment la gérer
  • et enfin la rubrique « A ne pas faire » en miroir de chaque caractérisation médicale :

Nous y trouvons : La personne anxieuse, la personne paranoïque, la personne histrionique, la personne obsessionnelle, la personne narcissique, la personne schizoïde , le comportement de type A, la personne passive agressive, la personne dépressive, la personne dépendante, enfin la personne évitante.

Qui - à part un médecin psychiatre- peut être autorisé à formuler une telle classification d’agent, de personnalité , de personne ?

Un chef de service prendrait-il le risque de se substituer à un médecin pour porter un diagnostic médical ? Nous espérons que non.

Nous rappelons qu’il s’agit toujours de « l’agent difficile » et non de l’agent en difficulté...

La première étape a priori indispensable : « Entretien avec le chef de service et parallèlement signalement à la division RH ».

La deuxième est optionnelle : « Intervention éventuelle du médecin de prévention et de l’assistante de service social ».

La troisième avec la direction (PPR/RH) : « soit volet disciplinaire, soit volet social »
Objectif ? « Quoiqu’il en soit solutions à trouver ».

Puis en derniers recours…

En urgence : changement d’affectation, suspension de fonction (faute grave), saisine d’office du comité médical…
Sur le plus long terme  : mutation d’office, déplacement d’office, révocation licenciement, reclassement, mise en retraite d’office pour invalidité

Pour finir… la dernière diapo aborde le HARCELEMENT MORAL

Mais il s’agit en fait de permettre aux managers de s’en prémunir !

« Cette menace peut être brandie lorsqu’un chef de service veut faire travailler un agent, dans des conditions d’exercice attendues de cet agent » est-il indiqué en préalable.
Puis suivent la définition et les faisceaux d’indices convergents qui permettent de qualifier le harcèlement moral, comme pour mieux éviter à celui ou celle qui pourrait s’y livrer… de se faire prendre !

Indépendamment des situations individuelles rencontrées – et pour lesquelles nous œuvrons souvent de concert avec le service RH, les médecins de prévention et assistants sociaux-, la CGT Finances publiques 13 considère qu’il y a dans cette journée d’étude managériale une véritable dérive.

Nous aussi, nous pouvons caractériser cette dérive :

 Le glissement de sens depuis un agent « en difficulté » vers celui de « personnalité difficile », qui essentialise et plaque des diagnostics types sur des collègues à partir d’indicateurs. L’essentiel des citations du diaporama sont la reprise d’un ouvrage publié en 1996 et co-écrit par 2 psychiatres : « .Comment gérer les personnalités difficiles ». (Le terme « gérer » en lui même n’est pas neutre, puisque la novlangue managériale propose son utilisation à l’ensemble des activités humaines et des relations intimes et sociales !). (Notons ici qu’un des psychiatres auteur du livre organise depuis des conférences sur la bienveillance !... et que ce livre a permis à de nombreuses officines de facturer des formations ad hoc de management !)

 Le rôle que l’administration entend faire jouer aux chefs de service, lesquels-sauf adhésion inconditionnelle aux valeurs de l’entreprise- sont détournés de leur fonctions pour devenir des substituts des médecins et assistants sociaux.

 Un durcissement répressif et l’alibi d’une approche pseudo-médicale pour justifier une classification et une caractérisation de personnalités « types ». Comme les dames patronnesses qui tricotaient tout de couleur caca d’oie pour reconnaître ses pauvres à soi (J.Brel) , à chacun son paranoïaque ou son schizoïde ? Les conclusions du diaporama et la saisie « éventuellement » du médecin de prévention viennent confirmer la volonté de la direction d’avoir un traitement hiérarchique et administratif (sanctions) au détriment de la prévention et de l’accompagnement de l’agent en difficulté.

 L’évitement et la mise hors-jeu des acteurs de la prévention depuis les médecins jusqu’au CHSCT en passant bien sûr par les assistants sociaux et les représentants du personnel.

 L’impasse sur le travail et le collectif : surtravail, sous-effectif, phase d’apprentissage, choix imposés, autoritarisme, absence de dialogue, suspicion, écrétage, etc. Le collectif n’étant abordé que pour mentionner les dommages causés par le comportement d’un agent difficile.

 Le déni sur le sens du travail : Que fait -on ? Pour Quoi ? Comment ? Pour qui ? La mise à mal des missions de service public ne devrait souffrir d’auvune contestation ?

 Le risque important d’une « psychiatrisation des rapports sociaux », où celle ou celui qui pourrait contester un choix, une restructuration, une réorganisation du travail se verrait aussitôt rangé dans une catégorie non conforme à la « norme ».
Pour rappel, l’État major de l’ancienne direction de la Drfip 13 s’était inscrit en risque mortel à cause de l’activité syndicale sur le document unique d’évaluation des risques professionnels ! D’ailleurs, le diaporama des « agents difficiles » précise que certains peuvent être dangereux !

 Enfin, et c’est non exhaustif, la diffusion d’un tel document intervient en période d’évaluation professionnelle, sur fond de remise en cause des règles de gestion, de volonté de mettre en place un bilan de compétence et la mobilité forcée...

La CGT Finances publiques 13 va saisir le CHSCT des Bouches-du-Rhône afin que la clarté soit faite sur les motivations et les objectifs recherchés par la Drfip 13 ainsi que sur le mandat donné par la DG au bureau en charge d’élaborer ce guide... « comment surveiller et punir ».

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Article publié le 2 mars 2018.


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