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09/02/2018 : CONTRÔLE FISCAL : UNE MISSION EN VOIE DE SABOTAGE !

Contrôle fiscal : une mission en voie de sabotage !

Les scandales à répétition - « Panama Papers », « LuxLeaks », « Paradise Papers » … - ont révélé l’ampleur des pratiques de fraude fiscale.
Pour la France, la perte annuelle de recettes fiscales est estimée entre 60 et 80 milliards d’euros !

 Au lendemain de la révélation des « Paradise Papers », le ministre de l’Economie Bruno Lemaire a dénoncé ces pratiques, les considérant comme « une attaque contre la démocratie » jugée « inacceptable » et « révoltante ».

 Dans le même temps, son gouvernement décidait de faire supporter l’intégralité des réductions d’effectifs de la fonction publique d’État sur la DGFIP.

 Sur les 5 dernières années, plus de 3 200 suppressions d’emplois sont intervenues au sein des différents services de contrôle de la DGFIP !

Comment peut-on prétendre lutter contre la fraude quand les moyens humains dédiés au contrôle sont progressivement retirés ?

A cet égard, les chiffres du bilan du contrôle fiscal 2017 présentés par Bercy parlent d’eux-mêmes : moins 2 % de vérifications de comptabilité sur l’année, baisse de 5 % des droits nets, baisse de 9 % des actions pénales, chute de 37 % du montant des droits et pénalités des opérations répressives…

Jamais le taux de couverture fiscale de notre tissu économique n’a été aussi détérioré et les conditions d’épanouissement de la fraude aussi réunies !
Tandis que le nombre d’entreprises a augmenté (+15%) entre 2010 et 2016, le nombre de vérifications n’a par contre cessé de diminuer (-5%).
Et pendant qu’on parle de « lutte contre la fraude fiscale », le taux de couverture des services de contrôle fiscal sur les entreprises recule de 22 % en seulement quelques années !

Rapport d’activité DGFIP 2010 2016 Evolution
Nombre d’entreprises à l’IS 2 138 838 2 462 447 + 15 %
Nombre de vérifications de comptabilité 47 689 45 314 - 5 %
Délai moyen de vérification d’une entreprise 45 ans 55 ans - 22 %

La Commission des Finances du Sénat parle d’un « risque d’affaiblissement durable du contrôle fiscal » et s’inquiète ouvertement du fait qu’ « une telle diminution ne peut demeurer viable à long terme qu’il s’agisse d’efficacité ou d’égalité devant l’impôt ».

Dans un contexte de politiques d’austérité, nos concitoyens tolèrent de moins en moins l’injustice fiscale, dont l’ampleur leur est révélée scandale médiatique après scandale médiatique.

Des moyens humains en baisse quand leurs attentes sur un contrôle fiscal renforcé n’ont jamais été aussi grandes, c’est un comble !

C’est la raison pour laquelle la CGT exige une hausse substantielle des effectifs du contrôle fiscal sans quoi les conditions d’un développement de la fraude fiscale à un haut niveau sont réunies.

Face à cette dégradation alarmante de la situation, la DG a annoncé à la fin de l’année 2017 ses nouvelles orientations en matière de contrôle fiscal ainsi que la refonte des indicateurs de la mission à compter du 1er janvier 2018.

Vers un ersatz de contrôle fiscal … conforme aux attentes des entreprises

Après avoir obtenu des allègements fiscaux aussi massifs qu’historiques (un record à 172 milliards est anticipé pour 2018), les entreprises réclamaient un allègement du poids des contrôles administratifs, pointant des "difficultés relationnelles entre l’administration et les entreprises" et dénonçant le "carcan du contrôle sanction".
Force est de constater qu’elles ont été entendues et que la réorganisation d’ampleur du contrôle fiscal repose sur une orientation clairement en faveur de leurs intérêts.

C’est ainsi que le gouvernement a introduit le bénéfice d’un « droit à l’erreur » dans son projet de loi « pour un Etat au service d’une société de confiance ». Une « limitation dans le temps de la durée des contrôles [des diverses administrations] au sein des entreprises » est désormais instauré.

Parallèlement, la DGFIP engage un repli du contrôle fiscal approfondi de terrain, jugé « trop intrusif », « trop contraignant » pour les entreprises.
Il s’agit désormais de privilégier les nouvelles procédures, plus « rapides » et « moins intrusives », notamment à travers l’EC (Examen de Comptabilité) et l’instruction sur place des demandes de remboursement de crédit de TVA (RCTVA).

L’enjeu est de progressivement priver les services du moyen de contrôle approfondi sur place … pourtant le seul à même de mettre en évidence les schémas de fraude de plus en plus élaborés développés par les acteurs économiques.

Afin de camoufler la baisse des moyens dédiés au contrôle fiscal - et donc de ses résultats - la DG entend « multiplier les points d’impact » pour afficher une plus grande présence.
Il s’agit de réaliser un plus grand nombre d’opérations… allégées, depuis le bureau.
Bref, une stratégie d’affichage en lieu et place d’une véritable politique de lutte contre la fraude fiscale !

Mais personne n’est dupe : prétendre détecter une fraude de plus en plus sophistiquée par l’emploi de procédures toujours plus allégées, plus rapides, plus ciblées - sans même se rendre dans l’entreprise - relève de l’imposture !

L’EC repose en effet sur l’idée fausse que, du bureau en disposant des données comptables dématérialisées, il serait possible d’analyser correctement la réalité économique et juridique des opérations réalisées par les entreprises. Ce n’est pas crédible !
D’ailleurs, analysant la nouvelle procédure d’EC, la Commission des Finances du Sénat y voit clairement « un aveu d’affaiblissement des moyens du contrôle fiscal ».

Le nouveau mantra du contrôle fiscal selon la DG ? Une approche hors-sol 100% dématérialisée !

Le rôle de la mission du contrôle fiscal est profondément dénaturé.

L’autonomie et la libre initiative des agents en matière de programmation est progressivement restreinte face à une montée en puissance des tâches d’exploitation de « listes » qui « doivent être traitées prioritairement aux travaux d’analyse réalisés localement ».
La DG considère en effet que l’évolution de la mission doit s’accompagner d’une montée en puissance des innovations technologiques issues du datamining et des requêtages, notamment élaborés par la MRV (Mission Requêtes et Valorisation). Elle considère ainsi que ces « listes » issues des travaux de la MRV devront être à l’origine de 20 % des affaires programmées…avant de pouvoir sans doute un jour se passer d’agents pour cette tâche totalement dématérialisée !
Il s’agit désormais de réaliser de la programmation de masse, quasi industrialisée, à partir d’outils informatiques sur la base de critères déjà définis et ciblés.

Ce fétichisme technologique est d’autant plus inquiétant qu’un récent audit conduit sur le contrôle fiscal dans notre direction a établi que la première source de qualité en matière de programmation était l’information recueillie lors du contrôle fiscal sur place … et, en tout dernier lieu les outils d’analyse-risque.

Une seule certitude : ce n’est pas en éloignant les agents de programmation du terrain – PCE comme BCR – que l’on fera progresser la détection de la fraude.

Des services de contrôle au bord de l’explosion … et une pression accrue sur les agents !

Déjà saturés par la programmation, l’expertise, le CFE, la redevance audio, …, les PCE devraient encore subir une augmentation de leur charge de travail, passant de 4 à 5 dossiers CF à réaliser.

Croulants de plus en plus sous l’exploitation de tâches d’expertise et de listes préétablies, la DG attend néanmoins d’eux une programmation plus exigeante :
 ainsi l’indicateur CF-42 « Qualité des fiches de programmation » mesurera la part de fiches 3909 qui donnent lieu à un montant de rappel de droits excédant 3 fois le seuil d’AFR, soit 22 500 € en DR/DDFIP, (son objectif cible national étant de 50 %),
 tandis que l’indicateur CF-46 « Qualité du contrôle » mesurera le taux d’opérations de contrôle à fort enjeux en termes de droits rappelés, supérieurs à 22 500 € en DR/DDFIP, (son objectif cible local étant lui aussi de 50 %).

Quant aux brigades, leur sort est similaire.

L’intégration dans leur programme d’examens de comptabilité (EC) et de contrôles sur pièces (CSP) se solde par une augmentation en bonne et due forme de leur objectif.
En effet seront comptabilisés en points d’impacts les VG, les VP, les EC et les CSP suite à 3909 selon une estimation de 1,5 EC ou CSP suite à 3909 pour 1 VG.
Ainsi, pour un ETP le nombre de points d’impact passe à 14 (13 dossiers - 1 Vérification + 1,5 EC/CSP, arrondi à l’unité supérieure).

Avec le décompte en « points d’impacts » et l’introduction de procédures comme l’EC ou le CSP qui n’ont plus rien à voir avec le CFE, la DGFIP entend pallier la baisse du nombre d’opérations de contrôle.

Mais en détournant les services de leur cœur de métier – la réalisation d’opérations de contrôle sur place approfondies – c’est toute la mission de contrôle fiscal externe qui est dénaturée et, à terme, menacée.

Ainsi, la DGFIP veut amorcer une nouvelle approche du contrôle fiscal, visant à l’ abandon progressif de la mission de CFE par la montée en puissance des procédures effectuées depuis le bureau.

C’est la raison pour laquelle la CGT Finances publiques 13 réaffirme avec détermination que le contrôle fiscal externe - qui n’est pour les entreprises que la juste contrepartie d’un système déclaratif - doit continuer à s’effectuer sur place, dans les locaux de l’entreprise, et pas depuis le bureau !

Par ailleurs, par une note du 29/12/2017, la DG insiste sur les compétences attendues de la part des acteurs du contrôle fiscal en matière d’informatique.

Elle pointe la nécessité d’une parfaite appropriation de l’outil informatique et de méthodes de travail adaptées aux enjeux d’une informatisation croissante.
A cet égard, une pression quant aux attentes en matière de maîtrise des outils informatiques tels que ALTO 2 , ACL et ACL inopiné est explicite.

Des agents sous pression avec l’instauration d’un dispositif de « suivi des compétences »

En dehors de tout cadre juridique, la DG met en place dès 2018, dans 12 directions expérimentatrices, un dispositif de « suivi des compétences » pour les vérificateurs et leurs chefs de service.

Les agents des structures du contrôle fiscal devront ainsi subir, à minima tous les 5 ans, un « entretien de suivi de compétence [...] avec un membre de l’équipe de Direction ».
Et nouveauté : « Si à l’issue de cet entretien, il s’avérait que vos compétences professionnelles étaient insuffisantes ou inadaptées, et ce malgré l’accompagnement déployé au titre de la formation, une réorientation professionnelle, dans l’intérêt du service, devra être envisagée. Dans cette hypothèse, vous serez invité(e) à participer au mouvement de mutation correspondant à votre grade et à répondre à des fiches de postes plus adaptées à vos compétences. »

En clair, le suivi des compétences est avant tout un outil de pression à la mobilité forcée...pour contraindre l’agent à aller sur le poste de travail que veut lui imposer la direction locale, voire à l’obliger à partir du service par une mobilité forcée.

 Ce nouveau dispositif s’inscrit dans l’offensive générale d’ores et déjà engagée contre nos règles de gestion depuis plusieurs mois.
 Comment imaginer que les données de Rialto Mémo ne participeront pas à l’évaluation des agents et, le cas échéant, à exercer une pression sur eux pour les « inviter » à faire une demande de mutation ?
 Dans quelle mesure la mise en place des nouveaux indicateurs ne pourra-t-elle pas constituer un levier pour instaurer des objectifs professionnels inatteignables ?

Ce nouveau dispositif, qui place chaque agent sur un siège éjectable, sera complété par un chantage directement exercé sur sa rémunération avec l’introduction du régime indemnitaire modulable en fonction du poste occupé : le RIFSEEP.

Ce « suivi des compétences » est une remise en cause grave de nos garanties et des conditions d’exercice de notre mission de contrôle fiscal.

C’est la raison pour laquelle nous devons combattre ce dispositif et refuser toute évaluation des compétences, par nature arbitraire et faisant peser un redoutable aléa sur les agents !

La fraude fiscale gagne du terrain et mine notre démocratie.

Cette situation est inacceptable. Voilà les raisons pour lesquelles la CGT exige une orientation qui réaffirme clairement la nécessité d’un contrôle fiscal renforcé, à travers notamment :

 une augmentation significative du nombre d’agents affectés à la sphère du contrôle fiscal,

 le maintien d’un contrôle fiscal externe conservant ses pleines prérogatives, c’est-à-dire qui repose principalement sur des vérifications de comptabilité sur place approfondies, seules à mêmes de mettre en évidence les schémas de fraude de plus en plus sophistiqués adoptés par les entreprises,

 l’abandon de toute augmentation des charges de travail liées au nombre de dossiers, compte tenu de la charge de travail sous laquelle les agents de la mission ont progressivement été engloutis.

 le retrait de l’expérimentation « Suivi des compétences », qui participe d’une dégradation des conditions de travail des agents du contrôle fiscal.

Article publié le 10 février 2018.


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