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03/11/2015 : Retenue à la source de l’impôt sur le revenu et fuite d’emplois !

RETENUE A LA SOURCE,
FUITE D’EMPLOIS

La direction des Finances Publiques a inauguré sur l’intranet Ulysse début octobre 2015 un espace dédié à la retenue à la source. Le projet se veut rassurant, la retenue à la source ne serait qu’une « évolution des modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu », afin de « permettre un ajustement rapide de l’impôt à la situation des contribuables ».
La présentation des grandes options à arbitrer (périmètre, tiers collecteur et circuit financier, modalités du taux de prélèvement) laisse même croire qu’aucune décision définitive n’a été prise.

Comme de bien entendu, une grande place serait laissé au dialogue social : un groupe de travail avec les organisations syndicales était programmé le 19 octobre 2015, et sera suivi d’autres réunions.

Sans surprise, cette soi-disant concertation n’est qu’une vaste fumisterie. Un rapport de février 2012 du Conseil des Prélèvements Obligatoires, émanation de la Cour des Comptes, a déjà répondu à la plupart des interrogations.
Le tiers collecteur ? Ce sera l’employeur. Surtout, le circuit financier devrait être l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), le réseau des ursaffs, et non la DGFIP. Ce réseau prélève déjà la CSG de manière sécurisée, avec un excellent taux de recouvrement (99,5 %).

Avec toutes les suppressions d’emplois en cours et à venir dans notre administration – plus de 2 100 postes supprimés en 2016 – comment imaginer sérieusement que l’option la plus coûteuse, créer un circuit dans la DGFIP, soit retenue ? Le masque tombe : la Retenue à la Source sera surtout une nouvelle occasion de supprimer des emplois à la DGFIP !

Ne nous laissons pas abuser : au lieu d’un système fiscal déclaratif, où le consentement à l’impôt est matérialisé par le dépôt de la déclaration de revenus, la Retenue à la Source n’a comme seul objectif le rendement budgétaire, au détriment des usagers comme des agents de la DGFIP.

AUCUN GAIN POUR LES CONTRIBUABLES !

La retenue à la source est présentée aux usagers comme une méthode indolore pour prélever l’impôt, à la fois plus efficace et plus simple, puisque prélevée directement à la source.

PLUS EFFICACE ? EN FAIT, UNE ESCROQUERIE POUR LES CONTRIBUABLES !

La retenue à la source n’a pas d’impact majeur sur le taux de recouvrement final de l’impôt sur le revenu. En 2009, il était en France de 99,4% contre 99,5% aux Pays-Bas et 99,7% au Danemark, deux pays pratiquant la Retenue à la Source.

Pourquoi entamer une véritable révolution du système fiscal pour un avantage final si mince ?
La réponse est simple. Les pays pratiquant la retenue à la source prélèvent en cours d’année des montants d’impôt sur le revenu supérieurs à l’impôt dû en fin d’année, ce qui génère des avantages de trésorerie pour les États. La régularisation en fin d’année est donc le plus souvent un remboursement en faveur des usagers, jusqu’à 84 % des cas en Australie !

Pour la plupart des usagers, la Retenue à la Source est un prêt sans intérêt effectué au gouvernement !

Un autre avantage présenté par le rapport de février 2012 est d’ordre… psychologique : la restitution étant la norme, les usagers seraient contents de recevoir de l’argent après avoir déposé leurs déclarations de revenus. Un système où les gens sont heureux d’avoir trop payé, n’est-ce pas une habile escroquerie ?

Enfin, les contribuables ne réclament pas systématiquement les remboursements auxquels ils pourraient prétendre. Ainsi, aux Pays-Bas en 2010, 340 000 contribuables, soit 4,6 % des salariés, n’ont pas déposé de déclaration facultative alors qu’ils auraient pu bénéficier de restitutions d’impôts. En 2006, en Espagne, près de 500 millions d’euros versés en excédent par les contribuables n’ont pas été réclamés.
En bref, en cas de phobie administrative, c’est souvent tout bénéfice pour l’État !

Cerise sur le gâteau, la Retenue à la Source apparaît comme un levier mobilisable rapidement pour instaurer des prélèvements supplémentaires. Ainsi, en Australie, il peut arriver que le Gouvernement adjoigne des taxes supplémentaires au prélèvement de la retenue sur les salaires. C’est le cas en 2011 avec la redevance sur les inondations (Flood Levy) mise en place pour financer les travaux de reconstruction au Queensland du fait des dégâts des inondations...

PLUS SIMPLE ? PAS SI SÛR !

Comparé aux autres pays de l’OCDE, l’impôt sur le revenu français est particulièrement personnalisé : imposition par foyer fiscal, quotient familial, prise en compte des charges et de nombreuses réductions ou crédits d’impôt. S’il est envisageable de conserver un tel système avec la Retenue à la Source, il est par contre quasi-impossible de concilier personnalisation, simplicité et confidentialité.

Tout d’abord, plus l’impôt est personnalisé, plus la régularisation est nécessaire. Il faudra donc toujours remplir des déclarations de revenus, notamment pour récupérer le trop versé !

Ensuite, la Retenue à la Source doit être calculée sur la situation actuelle de l’usager. Dans les pays la pratiquant, soit l’usager communique lui-même ses données personnelles à son employeur, soit ce dernier a accès aux données personnelles de ses salariés, notamment par un accès internet autorisé aux données fiscales.

La méthode présentée par le rapport garantissant le plus de confidentialité, fournir seulement aux employeurs le taux moyen d’imposition (TMI), est très loin d’être satisfaisante !
Si un salarié a un TMI supérieur à ses collègues avec le même salaire, c’est qu’il a forcément d’autres sources de revenus, ou un conjoint avec de bons revenus. Pourquoi l’augmenter ?
Si un salarié a un TMI nettement inférieur à ses collègues avec le même salaire, c’est qu’il a sans doute des charges, notamment familiales, importantes. Donc un bon candidat pour un chantage à l’emploi !
Sans parler des salariés cumulant plusieurs activités, pour qui ce sera compliqué de calculer le TMI puis d’en informer tous les employeurs.

DES REDUCTIONS DRASTIQUES D’EMPLOIS POUR LA DGFIP !

Le rapport de février 2012 envisage déjà de nombreuses suppressions d’emplois. Ainsi 130 emplois temps plein seraient économisés sur les délais de paiement, moins nombreux puisque l’impôt sur le revenu serait prélevé à la source. Le rapport ne chiffre pas le nombre d’emplois supprimés par le transfert des acomptes de l’impôt sur le revenu à l’Acoss. Sans nul doute, ce sera sanglant pour les services de recouvrement, qui ont déjà payé un lourd tribut en termes de réduction des effectifs et dont le réseau des trésoreries locales est de plus en plus attaqué. Pourquoi maintenir un tel réseau si l’impôt sur le revenu, et pourquoi pas les impôts locaux, sont prélevés par les ursaffs ?

TOUT SIMPLEMENT, POURQUOI MAINTENIR DEUX MISSIONS ?

Mais les conséquences seront aussi lourdes pour les services d’assiette, contrairement à ce que laisse penser la direction. Dans seulement un quart des pays pratiquant la retenue à la source, la déclaration par le contribuable de ses revenus en fin d’année reste obligatoire. Cette formalité est allégée dans les pays où l’administration fiscale adresse aux contribuables une déclaration pré-remplie, comme en France. Elle l’est surtout lorsque le contribuable n’a aucune régularisation à effectuer.

Il n’y a aucune raison que le fonctionnement de la Retenue à la Source soit différent en France des autres pays qui la pratique déjà. Les usagers qui ne déposent pas de déclaration mais qui ont été suffisamment prélevés, le cas général, ne seront pas du tout relancés ! Tant pis pour la mise à jour de la taxe d’habitation. Avec en parallèle l’obligation de télédéclarer, qui a d’ailleurs été rappelée dans les documents du groupe de travail du 19 octobre 2015, c’est deux tâches majeures d’assiette : la saisie et la relance des défaillants, qui vont pratiquement disparaître !

C’est tous les services qui s’occupent de l’impôt sur le revenu, assiette comme recouvrement, qui seront impactés, et qui sont ni plus ni moins menacés de fermeture ! Le rêve des libéraux, un seul Service des Impôts des Particuliers par département (soyons moderne, par métropole) n’est pas si loin !

Pour les agents, c’est un cauchemar !

Article publié le 4 novembre 2015.


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