L’évasion fiscale est un sport de riches

Dix-huit mois après les « Panama Papers », les « Paradise Papers » commencent à révéler comment riches et multinationales échappent à l’impôt en flirtant avec la légalité et comment l’évasion fiscale est indissociable du système économique mondial.

Les journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), regroupant 96 médias de 67 pays, ont démarré dimanche la publication des informations vérifiées et recoupées qu’ils ont tirées des millions de documents financiers qui ont fuité du cabinet britannique Appleby. Spécialisé dans l’optimisation fiscale, ce cabinet d’experts en fiscalité conseille les entreprises et les grandes fortunes pour échapper à l’impôt en flirtant avec la légalité et en jouant avec les failles fiscales des différents pays. Les premières informations délivrées par la presse pourraient valoir de gros ennuis au ministre américain au Commerce Wilbur Ross qui a gardé des participations dans une société de transport maritime ayant des liens d’affaires étroits avec un oligarque russe visé par des sanctions américaines et avec un gendre de Vladimir Poutine, selon le New York Times. Des informations qui pourraient éclabousser plusieurs des proches et des amis du président Trump.

Encombrants amis

On frémit sans doute aussi outre-Manche où la BBC et le Guardian révèlent une dizaine de millions de livres sterling d’avoirs de la reine Elizabeth II placés dans des fonds aux îles Caïmans et aux Bermudes. Les fonds de la souveraine britannique ont été placés via le Duché de Lancaster, domaine privé de la souveraine et source de ses revenus. Le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a réagi sur Twitter, estimant qu’« il y a une règle pour les super riches, une autre pour les autres quand il s’agit de payer les impôts ».

On n’est sans doute pas très sereins au Canada, où le Toronto Star révèle qu’un ami de Justin Trudeau, responsable de la collecte de fonds lors de sa campagne électorale de 2015, le milliardaire Stephen Bronfman, a placé avec son parrain Leo Kolber 60 millions de dollars américains (52 millions d’euros) dans une société offshore aux îles Caïmans. Il va être sans doute difficile au fringant Premier ministre, élu sur des promesses de réduction des inégalités et de justice fiscale de justifier des liaisons aussi embarrassantes.

Réaction de la CGT Finances à la publication des « Paradise papers »

Réaction de la CGT Finances à la publication des « Paradise papers »

Rien d’illégal, mais où est la morale   ?

C’est bien grâce à des failles réglementaires que ces personnes fortunées et ces multinationales déplacent leurs fonds dans les paradis fiscaux. Rien d’illégal donc, est-on en train de nous expliquer. Un point de vue que ne partage pas Eva Joly, eurodéputée EELV. L’ancienne magistrate connue pour son action contre la fraude fiscale juge néanmoins illégitimes ces schémas d’évitement de l’impôt. « Ces structures opaques, dont beaucoup ne coopèrent pas avec la justice, servent aussi à blanchir l’argent criminel. Ce sont les mêmes intermédiaires. Ils servent aux multinationales à ne pas payer d’impôt. Il faut arrêter de laisser ces entreprises avoir 1 000 ou 2 000 filiales. Ce sont des groupes, ils doivent être imposés chacun comme un seul groupe. Nous travaillons dessus au niveau de l’UE, mais ça bloque au niveau du Conseil », c’est-à-dire des États membres de l’UE.

Également interrogé sur France Info, Lison Rehbinder, un des responsables du CCFD-Terre Solidaire estime qu’il y a « encore des mesures centrales très simples pour lutter contre l’évasion fiscale qui manque aujourd’hui sur des questions de transparences (…). Notamment sur la question de l’évasion fiscale des multinationales. On a besoin de savoir où les entreprises payent leurs impôts et quelles activités elles ont dans tous les pays où elles opèrent. »

Pour Jacques Monin, directeur des enquêtes et de l’investigation de Radio France, les Paradise Papers nous révèlent que « les paradis fiscaux ne sont pas une anomalie du système… Ils sont le système ! L’économie est en effet organisée de manière à permettre aux capitaux de s’évaporer dans des asiles où les taxes n’existent pas. Elle est structurée de manière à soustraire une richesse phénoménale aux pays dans lesquels de grands groupes réalisent leur chiffre d’affaires. Pays qui, pour beaucoup, connaissent par ailleurs un endettement massif qui plombe leurs comptes publics et font porter la charge de l’impôt sur leurs citoyens. »

Sur un ton plus léger, dans son billet de la matinale de France Inter, ce lundi, Charline Vanhoenacker interrogeait à propos des prochaines révélations des Paradise papers sur des fortunes françaises : « Quand je pense à tous les cadeaux que Macron fait aux riches pour qu’ils restent en France, alors qu’en réalité leur argent continue à se barrer par containers entiers… L’argent ça voyage, ça traverse toutes les frontières… mais attention, jamais celles de la légalité. Oui… Pourquoi les grandes fortunes iraient s’enrichir de façon illégale, puisqu’ils arrivent déjà très bien à le faire de façon légale ? »

Article publié sur le site www.nvo.fr

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