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28/02/2014 : Entretien et évaluation professionnelle : lettre de la CGT aux chefs de services

Madame, Monsieur le Chef de service,

En votre qualité de chef de service, d’évaluateur, d’évaluatrice, vous et de nombreux collègues allez être amenés à exercer vos responsabilités dans l’exercice dit de « compte rendu de l’évaluation professionnelle (CREP) ». C’est obligatoire : impossible d’y échapper.

Pour autant, rares sont les évaluateurs qui se réjouissent de cette « prérogative managériale »... à l’instar de la confection du DUERP par exemple (Transfert de responsabilité ?).

Et pour cause !

Temps passé à préparer le compte rendu de l’entretien professionnel (CREP), cadencement et calendrier imposé, obligation de traiter le CREP en même temps que des impératifs liés aux missions,etc. percutent un quotidien où l’accomplissement des missions est de plus en plus aléatoire du fait des suppressions d’emplois et de la surcharge permanente de travail dans les services.

L’évaluation professionnelle, au cœur du management à la DGFIP.

La caractéristique essentielle du management, c’est que le pouvoir de décision et celui de la hiérarchie existent mais ne sont plus désignés. Par pouvoir de décision s’entend forcément aussi la contrainte.
Dans le cadre hiérarchique, cette dernière est descendante.

D’un point de vue général, pouvoir de décision et poids de la hiérarchie sont remplacés par le « dialogue de gestion, », « l’adhésion », « l’harmonisation », les « éléments de langage » et même la « conduite du changement contre l’immobilisme » qui instaureraient une prétendue « égalité des conditions » entre décideurs et exécutants. Cependant, il faut remplir des objectifs fixés par la direction et obéir ou se faire obéir.

Pour l’entretien professionnel, l’objectif managérial est en même temps moyens rapportés à l’individu évaluateur et finalité dans l’acceptation du processus par les parties prenantes.

L’existence de quotas de bonifications, l’opacité dans leur répartition par catégorie dans les services, l’arbitrage de l’harmonisation entre chefs de divisions, le pouvoir de décision et celui hiérarchique ne permettent in fine que de distribuer et répartir l’enveloppe départementale de capital/mois.

A l’évaluateur ensuite de justifier ses attributions.

Sauf que les quotas sont imposés par la hiérarchie et le pouvoir de décision.

Nous sommes dans une contrainte paradoxale.

Prenons l’exemple d’un professeur qui doit corriger 20 copies et les noter sur 20.

Un quota est imposé au professeur : il n’a pas 400 points à attribuer mais :

  • seulement 50% de notes en dessus de 10 mais inférieures à 14/20
  • seulement 20% supérieures à 14/20.

 Serait-ce envisageable ? Serait-ce logique ? Le professeur évaluerait-il le fond et la forme de chaque copie ou serait -il obligé de comparer les copies entre-elles ?

 Pourrait-il dire à un élève qu’il ne lui met que 12 parce que la dernière fois il a eu 18 ?

 Que diraient les élèves et leurs parents ?

A l’évidence, aucune « réforme » dans l’éducation nationale n’a encore proposé un tel système !

Quelles solutions pour l’évaluateur ?

 Devrais-je adapter les appréciations à l’absence de bonification ? Ce n’est pas juste.

 Devrais-je comparer 2 évalués entre eux ? Ce n’est pas rationnel, les fonctions exercées par 2 agents sont différentes.

 Puis-je m’engager auprès de l’agent et lui garantir une bonification pour l’année prochaine ? Pourquoi pas...
Mais quelle garantie d’avoir une dotation suffisante dans un an ? Que dirais-je à l’agent si ce n’est pas possible ? Qui passera pour un menteur ?

 Dois-je rester droit dans mes bottes ? Apprendre par cœur les éléments de langage fournis clés en main par l’administration ? C’est moi qui suis en face de l’agent, c’est moi qui travaille avec elle, avec lui....

Alors oui le management et les critères de gestion créent de la solitude, divisent et opposent les agents entre-eux. Oui l’exercice de l’évaluation professionnelle et les quotas font partie des injonctions paradoxales.

Ces mêmes injonctions paradoxales qui participent à la dégradation des conditions de vie au travail par la casse des solidarités collectives et parfois un profond sentiment d’isolement.

Car dans le management, chacun doit se donner entièrement alors que chacun se sait interchangeable voire en concurrence avec son homologue.

L’évaluateur et le recours de l’agent.

Rappelons que l’évaluation n’est pas un simple « bilan d’étape » sur une année de travail.

L’évaluation, et cela échappe complètement à l’évaluateur, entraîne des conséquences sur le déroulement de carrière de l’évalué-e.

Cela va conditionner l’accès aux échelons supérieurs, au grade supérieur, au corps supérieur, et même déterminer le rang de mutation ou le montant de la pension de retraite de l’agent concerné.

Quand un agent fait un recours, il ne le fait pas contre son évaluateur, mais davantage pour la reconnaissance du sur-travail accompli dans un contexte de suppressions d’emplois massives mais aussi parce que le système inventé par les « managers » est un système pervers avec des conséquences de même
nature sur sa carrière.

Le subterfuge de l’administration, c’est celui de faire accroire à l’évaluateur qu’il n’est pas un « bon manager » si un agent de son service fait un recours en CAP locale.
L’évaluation professionnelle est un outil de culpabilisation générale !

Au motif des raisons concernant les conséquences du CREP sur le déroulement de carrière de l’agent, il est bien évident que l’évaluateur ne peut être comptable des quotas, de l’incidence sur le déroulement de carrière de l’agent évalué.

L’administration a « oublié » en 2013 une centaine de bonifications à répartir sur le département pour l’ensemble des agents.

Comment entend-elle justifier l’absence de distribution de ces bonifications ?

Une chose est sûre, l’égalité des conditions entre décideurs et exécutants, c’est plus facile quand on est décideur.

Au vu de ces éléments, il ne sera pas surprenant que des agents, individuellement ou collectivement refusent l’étape de l’entretien individuel ou rédigent un recours ; un recours contre ce système et ses conséquences mais pas un recours contre l’évaluateur.

« La consigne est le travail dans la coopération alors que la réalité est la mise en concurrence systématique . Morale : Le cadre devient bricoleur de son identité, mais il ne maîtrise pas toutes les règles de ce bricolage et n’en détient pas nécessairement non plus le mode d’emploi. » (Eric Roussel, sociologue du travail).

Article publié le 28 février 2014.


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