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08/07/2020 : Transfert de la dette sociale, création d’une 5° branche de la sécu : aux salariés de payer !

Très peu de gens sont au courant de l’existence de ces deux projets de loi étant donné la célérité du gouvernement à agir et l’absence de publicité qui entoure l’opération. Le gouvernement vient de faire passer en procédure accélérée à l’ AN le 15 juin les deux projets de loi sur la dette sociale et la création d’une 5° branche de la sécurité sociale consacrée à la dépendance.

Et pourtant c’est à nouveau un très mauvais coup contre les salarié-es et fonctionnaires que le gouvernement est en train de porter. C’est pourquoi la CGT Finances publiques 13 a décidé de réagir en prenant l’initiative de cette publication pour porter les faits à votre connaissance et vous alerter.

136 milliards de dette sociale seraient (il faut parler au conditionnel car la loi n’est pas encore adoptée définitivement) transférés à la CADES.
La CADES, c’est quoi ? C’est la caisse créée par Juppé en 95 pour faire ressortir l’existence d’un déficit et mieux justifier les suppressions de lits, la politique de réduction drastique des moyens de l’hôpital qui ont débouché sur la situation catastrophique dans laquelle nous avons été plongés au plus fort de la pandémie, situation qui a vu la France obligée « d’exporter » des malades pour qu’ils puissent bénéficier de lits de réanimation, situation qui a vu les personnels médicaux obligés de s’exposer quasiment sans matériel de protection (24 avril : 12 000 soignants infectés ! Aucun bilan officiel établi à ce jour du nombre de soignants infectés pour toute la période), situation catastrophique qui a vu des critères d’âge être appliqués pour l’accès aux lits de réanimation !

Sortir la dette du budget de la sécu en créant la CADES a été aussi le moyen d’éviter toute augmentation des cotisations sociales et de résorber la dette en instaurant un impôt supplémentaire, la CRDS, prélevé sur les salaires, les pensions et les indemnités chômage. C’est à dire un mode de financement totalement dérogatoire par rapport aux principes de la sécurité sociale en déchargeant le patronat de son financement.
C’est comme cela qu’on subit depuis 96 un prélèvement de 0,5 % sur nos traitements ou les pensions. 0,5 % cela a l’air de rien, mais avec le prélèvement de 0,6 % de CSG (même système) venant alimenter lui aussi la CADES, de 96 à 2019 ce sont quand même 171 milliards (oui milliards !) qui ont été prélevés essentiellement dans les poches des salariés, retraités et chômeurs (selon l’étude d’impact du projet de loi). Une sacrée aubaine pour le patronat !

Aujourd’hui donc le gouvernement veut transférer 136 milliards de dette de la sécu à la CADES et prolonger son existence jusqu’en 2033 pour permettre l’apurement de ces 136 milliards alors que son extinction était prévue en 2024.
 Sur ces 136 milliards, 92 milliards sont constitués de la dette COVID de la sécu, actuelle et à venir jusqu’en 2022.
 La dette COVID de la sécu, elle provient d’où ? D’abord du chômage partiel car les millions de salariés mis au chômage partiel ne perçoivent pas des salaires mais des indemnités ne donnant pas lieu à cotisation sociale (c’est pourquoi l’indemnité est de 84 % du salaire net et seulement 70 % du brut). Donc zéro rentrée pour la sécu à ce titre.
 S’ajoutent le manque à gagner des reports et des exonérations de charges ainsi que l’augmentation des dépenses de santé provoquée par la pandémie.

Dans les 136 milliards il y a aussi 13 milliards de reprise d’une partie de la dette des hôpitaux ainsi que le déficit sécu au 31/12/2019.

Rappelons nous : il y a un an face à la colère grandissante et prémonitoire des personnels hospitaliers le gouvernement avait annoncé comme une concession la reprise d’une partie de la dette des hôpitaux. On y est. Sauf que le gouvernement n’avait pas dit que cette reprise de la dette des hôpitaux, qui provient de l’étranglement financier imposé à partir de 1995, c’est aux salariés, retraités et chômeurs qu’il la ferait payer !
D’ailleurs, toute l’opération de transfert de la dette à la CADES et son prolongement jusqu’en 2033 c’est à cela qu’elle sert : faire payer l’addition du chômage partiel, des exos et reports de charges et de la reprise de dette hôpital aux salariés, retraités et chômeurs via le maintien de la CRDS au moins jusqu ‘en 2033, impôt qui pourra être augmenté en tant que de besoin.

Qu’il s’agisse de faire payer l’addition de la crise aux salariés et retraités, et purement de cela, on en a aujourd’hui une preuve supplémentaire avec le projet émis par le gouvernement dernièrement de faire apurer selon les mêmes modalités, c’est à dire en ayant recours à nouveau à la CRDS qui du coup serait prolongée jusqu’en 2042, 150 milliards de dette COVID de l’État.

Le gouvernement parle même de faire prendre en charge cette opération par la CADES bien qu’il n’y ait aucun rapport entre l’objet à priori social de la CADES et la dette de l’État ! A l’évidence le seul intérêt de cette opération pour le gouvernement c’est de recourir à un impôt, la CRDS, qui offre l’avantage inestimable de faire retomber sur les épaules des salariés et retraités le poids du remboursement de la dette de l’État ! Comme le remarque le journal Les Echos, sur un ton de neutralité qui traduit une satisfaction tranquille : « prolonger une taxe c’est augmenter les prélèvements obligatoires ».

Autrement dit : le gouvernement est en train de créer un impôt COVID permanent que les salariés, fonctionnaires et retraités sont seuls appelés à payer.

Concernant la branche autonomie, on ne pourrait que se féliciter, après l’abominable scandale des Ehpad dont la responsabilité incombe au gouvernement, aux Korian et autres machines à faire du fric sur la fin de vie, qu’enfin la question de la dépendance soit prise à bras le corps. Sauf que c’est exactement la même opération que sur le transfert de la dette sociale qui se profile.

Car pourquoi créer une branche spécifique, une 5° branche ?
Pourquoi ne pas faire prendre en charge - à hauteur des besoins qui sont considérables ! - la dépendance par la branche maladie comme cela paraît logique ?

Aux yeux du gouvernement il y a une raison très précise à cela : prendre en charge les besoins de la dépendance a un coût. Et de ce point de vu créer une branche à part permet de mettre en place un financement spécifique. Alors certes les modalités concrètes de financement de la 5° branche ne sont pas arrêtées dans les deux projets de loi puisqu’il est prévu un rapport sur le sujet pour le 30 septembre (pour pouvoir intégrer dès cette année les mesures en question dans la loi de financement de la sécu ). Mais d’ores et déjà il est acté que le financement sera spécifique, c’est à dire qu’il ne sera pas régi par le système des cotisations sociales.

En pratique cela signifie qiue le patronat ne paiera pas.
C’est nous qui passeront à la caisse, que ce soit par la CSG ou un nouveau biais fiscal quelconque.
Et pour que l’opération soit encore plus profitable pour le patronat, l’article 7 bis du projet de loi organique extourne les dépenses relatives à la dépendance qui sont actuellement prises en charge par la branche maladie pour les transférer à la nouvelle branche.
Comme ça, c’est clair : le patronat ne versera plus un euro pour la dépendance. Il faut ajouter qu’avec la solution 5° branche ce qui se profile, exactement comme pour l’hôpital public, c’est un financement au rabais, le financement d’un filet de sécurité étatique à minima conduisant tout droit à la privatisation, à la prise en main de la dépendance par les requins des assurances privées et complémentaires pour lesquelles c’est un marché qui s’ouvre.

Décidément, le monde d’après de monsieur Macron, ressemble furieusement à celui d’avant, avec peut-être plus d’hypocrisie encore car c’est maintenant au nom d’une bonne cause que le gouvernement s’apprête à faire payer travailleurs et retraités via la 5° branche et qu’après avoir juré qu’il n’y aurait pas d’impôt nouveau. Il pérennise la CADES pour nous faire payer l’addition de la crise et poursuivre sa politique de saccage des acquis sociaux.

Il faut l’arrêter !

Non à la pérennisation de la CRDS ! Non à l’impôt COVID ! Assez du laminage continu de nos traitements !

Il faut redonner à la sécurité sociale et à l’hôpital public les moyens de fonctionner : rétablissement des postes supprimés, des lits supprimés et des services fermés ! Prise en charge de la dépendance par la branche maladie !

Retrait des projets de loi « relatif à la dette sociale et à l’autonomie » !

Aucune concertation dans ce cadre pour définir comment les salariés et retraités vont se faire tondre !

Article publié le 8 juillet 2020.


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