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26/11/2019 : Agir pour comprendre. La CGT Finances publiques 13 vous informe sur le projet de réforme des retraites. A lire !

La CGT Finances publiques 13 met à votre disposition sa réflexion collective concernant le projet de retraite universelle par points.

Régime par points

I/ Principe :

En préambule, Une retraite à points reste un régime par répartition, comme le régime par annuités : les cotisations versées chaque année servent à payer les retraites des personnes actuellement retraitées. Il ne s’agit pas d’un système par capitalisation où chaque individu se constitue un capital qui servira à assurer sa future retraite personnelle.

Une retraite par points est basée sur le cumul des points acquis tout au long de sa carrière par le salarié. Tous les ans, les cotisations versées par le salarié et ses employeurs sont transformées en points, ce montant venant s’ajouter au nombre de points déjà acquis au titre des années antérieures.

Le nombre de points acquis est déterminé en fonction de la valeur d’acquisition du point pour l’année en cours. Au début de la réforme, il est prévu que pour 10 € cotisés = 1 point soit attribué.

Au moment du départ en retraite, le montant total des points acquis est multiplié par la valeur de service du point. Le chiffre obtenu déterminera le montant annuel brut de la retraite. Au début de la réforme, il est prévu qu’un point soit converti en 0,55 € de retraite annuelle.

L’erreur à éviter à tout prix, c’est de croire qu’au vu de ces deux taux, 10 € cotisés donneront toujours droit à 0,55 € de retraite annuelle. C’est faux.

Les valeurs d’acquisition et de service du point vont évoluer selon les performances économiques du pays pour « équilibrer » le système, et afin de conserver une part des retraites dans le PIB constante (14% mentionnés dans le rapport).

La retraite par point, c’est une forme de carte de fidélité de grand magasin, sauf que vous gagnez des points retraites selon vos salaires et non selon vos achats. C’est une carte peu pratique, puisque la façon de gagner des points peut changer d’une année à l’autre, ainsi que le moment où vous pourrez l’utiliser. Enfin, la valeur des points n’est dévoilée que le jour où vous l’utilisez, et vous risquez de découvrir qu’au lieu du splendide appareil à raclettes pour huit personnes tant attendu, qui fait aussi grillade et pierrade, vous ne pouvez obtenir que le minuscule appareil pour deux personnes. Au temps pour les soirées festives entre retraités…

Pour utiliser une autre image, moins festive, la retraite par points consiste à convertir les cotisations retraite dans une nouvelle monnaie, le Point. Comme toute monnaie, le taux de change du Point peut évoluer chaque année. Par exemple, à l’achat, au lieu de 10 € = 1 point, le taux pourrait passer à 15 € pour un point. A salaire constant, vous accumuleriez moins de points.

A la fin de votre carrière, vous serez autorisé à reconvertir vos points en retraite annuelle en euros. Mais le taux de change à la revente, fixé par le gouvernement, peut avoir largement diminué par rapport au taux initial, lors de la création du Point.
Par exemple, un salarié ayant accumulé 40 000 points pourrait s’attendre à une retraite de 22 000 € par an si la valeur de service ne bouge pas. Mais il peut lui être annoncé lors de son départ en retraite : c’est dommage, au vu de la situation économique vos points ne peuvent être convertis qu’à hauteur de 0,40 € le point. Soit une retraite de 16 000 € par an au lieu des 22 000 € espérés.

Avec cette réforme, la France passerait d’un régime à prestations définies (vous savez quels sont vos droits pour la retraite), à un régime à cotisations définies (le seul élément certain est la cotisation).

II/ Différences entre le système actuel, par annuités, et le système par points :

Les notions de trimestres validés ou de durée de cotisation disparaissent, seules le nombre de points accumulés compte lors du départ en retraite : 10 000 points accumulés sur 20 ans valent 10 000 points accumulés sur 30 ou 45 ans. A tout salaire encaissé dans la carrière va correspondre des points : c’est la fin des 25 meilleures années dans le privé ou les six derniers mois hors primes des fonctionnaires. C’est forcément un préjudice pour les salariés : les plus mauvaises années seront aussi prises en compte.

Si l’âge légal ne change pas pour l’instant, 62 ans, il est prévu un âge pivot pour obtenir une retraite à taux plein : 64 ans au départ. Fixé par génération, il est prévu qu’il augmente (par défaut trois mois d’espérance de vie en plus donneront deux mois de travail en plus avant la retraite). Avant cet âge du taux plein, une décote de 5% par an sera appliquée.

Cela pourrait paraître une bonne nouvelle pour ceux qui ont commencé à travailler tard, alors que pour la génération 1973, l’âge du taux plein était atteint au bout de 43 années cotisées. Par exemple : un salarié né en 1974 et commençant à travailler à 24 ans doit attendre 67 ans pour une retraite à taux plein dans le système actuel (43 + 24) au lieu de 64 ans et 11 mois après réforme. Mais un salarié n’aura aucune garantie d’une meilleure retraite par rapport au système actuel, puisque les valeurs du point varieront pour équilibrer le système.

Bien que cela concerne peu de fonctionnaires, il est prévu un plafond de cotisations jusqu’à 120 000 euros de revenus d’activité. Au delà, le travailleur ne cotisera plus pour sa retraite, et devra se tourner vers la capitalisation. Cela pourrait sembler anecdotique en ce qui nous concerne, mais le gouvernement pourrait décider plus tard de baisser ce plafond vers un montant beaucoup plus bas, afin d’encourager davantage la capitalisation.

Avec le nouveau système, un fonctionnaire serait au même régime que les salariés du privé. Le taux de cotisation passerait à 11,25% au lieu de 10,83% à ce jour (et 11,10% au 01/01/2020).

Les salaires nets baisseraient, compte tenu d’un taux plus élevé (11,25%), notamment sur les primes, où le fonctionnaire ne cotise qu’à hauteur de 5% aujourd’hui. Le fait de cotiser sur les primes a un impact certain : la baisse des salaires, sans garantie d’une meilleure retraite puisque la valeur du point peut baisser.

Le taux de cotisation de l’Etat employeur serait de 16,87%, comme pour tous les autres employeurs. Aujourd’hui, le taux de cotisation dit employeur qui ressort du bulletin de salaire est de 74 %. Je rappelle que, pour un fonctionnaire, la notion de cotisation n’est pour le moment que virtuelle : il n’y a pas de transfert financier de l’employeur ou du salarié vers une caisse de retraite.

Dans la réalité, il y a deux lignes différentes dans la partie dépenses du budget de l’Etat : une pour le montant des salaires des fonctionnaires, et une autre pour le montant des pensions des retraités de la fonction publique, sans lien entre les deux. Comme toute dépense de l’Etat, les deux sont financées principalement par l’impôt. Ce serait la fin du code des pensions !

Ainsi, le montant de la cotisation retraite de l’Etat employeur n’est actuellement qu’une construction comptable pour faire « comme si » il y avait une caisse. Cela étant 74 % et 16 % on n’est pas du tout dans le même ordre de grandeur. Cet écart énorme indique tout simplement qu’avec le système de retraite par points l’État se décharge très substantiellement du financement de nos pensions.

Le régime par points est fait pour cela : pour permettre à l’État de se désengager pour consacrer une part de plus en plus importante des finances publiques à subventionner le patronat. Et ce désengagement implique forcément avec la règle d’or de l’équilibre financier, puisque tous les paramètres seront sous son contrôle, soit que le gouvernement revoit la valeur liquidative du point, soit qu’il modifier tel ou tel paramètre pour abaisser le niveau des pensions.

D’emblée avec le système de retraites par points on est donc perdants. Autrement dit le système tel qu’il est, qui voit l’État obligé de garantir notre droit à retraite, il faut le garder.

Ce n’est pas fini, le salarié ne cotise réellement que sur 90 % de ses cotisations. Seuls 90 % des cotisations sont convertis en points. Les 10 % restants vont servir à financer la solidarité, notamment pour attribuer des points aux périodes d’inactivité (maladie, chômage). Cependant, c’est une perte de droits pour tous les salariés, y compris les plus humbles.

Cela pose de nombreux problèmes : cette cotisation déplafonnée de 2,81 % ressemble fort à une CSG bis, donc un impôt supplémentaire. Il n’y a qu’un seul taux, soit aucune progressivité : quel que soit le montant du salaire seuls 10 % seront prélevés. Enfin cette cotisation alimentera une « cagnotte » à répartir entre les bénéficiaires de la solidarité. Le gouvernement se dédouane totalement : quel que soit le nombre de bénéficiaires, le fromage restera identique. Il a donc fort à parier que les portions deviennent minuscules. Mais bon, vu que l’appareil à raclette sera aussi minuscule...

Pour information, nombreux sont les systèmes de retraite par points qui existent déjà, surtout parmi les caisses de retraite complémentaires.
C’est le cas de :
 la caisse de retraite complémentaire des salariés du privé (l’Arrco) et la caisse de retraite complémentaire des salariés cadre (l’Agirc). Ces deux caisses venant de fusionner au 1er janvier 2019 ;
 la caisse de retraite complémentaire des travailleurs indépendants ;
 la caisse de retraite complémentaire des exploitants agricoles ;
 les caisses de retraite des professions libérales tant pour le régime obligatoire que pour le régime complémentaire ;
 le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) est également un régime par points. Ce régime complémentaire obligatoire institué en 2005 concerne l’ensemble des fonctionnaires de l’État, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers ;
 le régime IRCANTEC auquel sont affiliés pour leur retraite complémentaire les agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (agents contractuels).
Ce qu’il faut indiquer à propos de ces régimes de retraite par points, c’est que le rendement des points achetés à baissé à peu près de 50 % de 1963 à 2009 (passant de 14 % à 7 % selon un rapport du COR) !

Nous avons vu que rien ne garantit la valeur du point. Même en retenant la valeur du point à 0,55€ la simulation fait ressortir que par exemple pour un cadre B en prenant en compte les primes (la simulation est faite sur un taux de prime de 30 % pour un cadre B qui se rapproche du taux de prime d’un agent de la DGFIP approximativement de 34%) le système de retraite par points se traduit par une perte de 300 euros par mois.

TOUTES les variables seront aux mains du gouvernement ; plafond de cotisations, taux de cotisation salarial et patronal, âge légal, âge du taux plein, valeurs du points à l’achat et à la vente. Il pourra faire strictement ce qu’il veut.

Conclusion :
Cette réforme ne constitue pas une simple aggravation des réformes antérieures, il s’agit d’un recul historique car c’est la liquidation des droits à retraite conquis dans l’après guerre. On passerait d’un système transparent qui nous garantit un montant de pension à taux plein égal à 75 % du montant du traitement brut des six derniers mois pour une pension sans décôte ou surcôte dès lors qu’on a le nombre d’annuités requis à un système complétement aléatoire où les niveaux des retraites seraient totalement subordonnés aux choix gouvernementaux.

Article publié le 26 novembre 2019.


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