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29/07/2015 : Secteur public local : Un rapport mercenaire de l’IGF contre le réseau comptable et les missions de la DGFIP

A ce jour et à notre connaissance, la DGFIP n’a pas communiqué au sujet du rapport établi par l’Inspection Générale des Finances sur "LE RÔLE DES COMPTABLES PUBLICS AUPRÈS DES COLLECTIVITES TERRITORIALES LES PLUS IMPORTANTES", un rapport répondant à une demande du 6 octobre 2014 des ministres Sapin et Eckert en octobre 2014.

Ce rapport a été remis aux ministres le 18 mai 2015 et en dit long sur l’avenir des services de la DGFIP en matière de gestion des collectivités territoriales si les 24 propositions formulées par les rapporteurs étaient reprises complètement ou partiellement par les ministres de tutelle.

En premier lieu, il convient de préciser que ce travail dit de "mission d’assistance de la DGFIP" et ces propositions ont été élaborées à partir d’un périmètre d’étude des collectivités suivantes :

  • Totalité des régions
  • Totalité des départements
  • Villes et établissements Publics de Coopération Intercommunale ( EPCI ) de plus de 100 000 habitants.
  • Communes et EPCI de plus de 20 000 habitants référencés dans le réseau d’alerte tenu par la DGFIP et la Direction générale des Collectivités Locales sur 2011/2012/2013.

Au total ce sont donc 300 collectivités qui ont été étudiées ( 300 questionnaires transmis ), les cabinets ministériels, 6 DRFIP, la DGFIP ( services RH, informatiques, ...) , des délégations du directeur général , des directions départementales, la direction du budget ....ont également été rencontrés.

Sur la base de ce périmètre particulièrement large, l’IGF avait pour mission :

  • Evaluer les prestations apportées par le réseau des comptables publics du SPL de la DGFIP auprès des collectivités les plus importantes.
    -* Analyser la pertinence et les résultats de la démarche de modernisation de l’offre de prestations du SPL engagées par la DGFIP.
  • Proposer une évolution du réseau des comptables publics placés auprès des collectivités territoriales afin de l’adapter aux réformes territoriales en cours.

Voilà pour le décor.

La pièce, quant à elle, s’est jouée en 5 actes et 251 pages ( 57 pages de synthèse, 8 annexes dont une dédiée à une comparaison internationale - Allemagne, Espagne-Italie-Pays Bas- Royaume Uni- Suède ).

Sans revenir point par point sur le rapport, une première impression se dégage dès les premières pages et ne fait que se confirmer en cours de lecture : on assiste à un démontage en règle du travail effectué jusqu’à présent par le réseau comptable de la DGFIP auprès des collectivités étudiées, le rapport prenant tous les contours d’une instruction essentiellement voire exclusivement à charge.

Sans prétendre ici à l’exhaustivité, quelques exemples significatifs qui en disent long sur le ton général :

 En matière d’analyse financière des grandes collectivités : le recours au comptable est "résiduel" , les analyses réalisées ont une "très faible valeur ajoutée" et souffrent "d’insuffisances"......et sont au final de qualité "globalement insuffisante"....l’étude reconnaissant par ailleurs que le logiciel Safran souffre de fonctionnalités limitées.

Il en découle pour les rapporteurs la nécessité de supprimer l’offre d’analyses financières du réseau comptable pour les collectivités importantes, les collectivités ne manifestant aucun besoin du comptable public sur les thématiques financières et juridiques ainsi que sur les montages d’opérations d’investissements.

 La structuration du réseau avec des postes comptables présentés comme guichet unique des collectivités n’est pas adaptée.

De ce fait les rapporteurs préconisent la montée en puissance des MEEF ( Missions d’expertise économique et financière placées auprès des DRFIP ) pour toutes les études à forte valeur ajoutée avec possibilité pour les collectivités de les saisir directement.

 La démarche de la DGFIP visant à promouvoir une démarche partenariale en matière de dépense et de recettes par l’intermédiaire des conventions de service comptable et financier est trop standardisée, ne permet pas de différencier les enjeux et ne répond pas aux besoins des collectivités.

 Paiement de la dépense : délais trop longs , insuffisance du suivi de la qualité des contrôles et nécessité de développer le Contrôle allégé en Partenariat ( CAP ).

 Insuffisance de la formation des comptables publics aux techniques du CHD ( contrôle hiérarchisé de la dépense ) et du CAP.

 En matière de recettes , nécessité de mettre en place un Contrôle Hiérarchisé des Recettes ( CHR ).

 Qualité comptable : l’Indice de Performance Comptable qui mesure annuellement la qualité de la production comptable est jugé sans intérêt.

"La comptabilité des grandes collectivités révèle de grandes carences impactant leur fiabilité et leur sincérité.( inventaire patrimonial déficient, provisionnement et amortissement aléatoire, transparence insuffisante, consolidation des comptes des collectivités et de leurs satellites insuffisante voire inexistante, appréhension FAUSSEE de la situation financière réelle des collectivités )."

 Le réseau d’alerte des finances locales mis au point par la DGFIP est jugé inadapté, sans caractère prescriptif et de conseil. Là encore les MEEF( Drfip ) sont présentées comme le remède aux insuffisances constatées en la matière .

 Sincérité des comptes des collectivités territoriales : partant du constat de déficience en la matière et sur la base de l’article 32 de la loi NOTRE la certification des comptes des collectivités est préconisée ( une expérimentation est proposée ).

Une certification dont les objectifs sont clairement avoués : " dans un contexte de contrainte budgétaire sur les dotations de l’Etat" la certification permettrait de donner des "garanties aux financeurs externes "  : en clair au système bancaire .

Dans cette perspective, l’objectif serait également d’en finir avec le compte administratif et le compte de gestion pour promouvoir la compte financier unique.

 Dématérialisation : critique en règle des indicateurs de suivi, absence d’objectifs ambitieux, méthode insuffisante, aucune stratégie de dématérialisation intégrale, inadaptation de l’offre DGFIP sur la dématérialisation pour les grandes collectivités ( absence de conseil et d’accompagnement ).

L’objectif de la dématérialisation totale occupe une place particulièrement importante dans le rapport puisque ce ne sont pas moins de 5 propositions sur 24 qui s’y réfèrent directement avec la volonté affirmée de positionner les DRFIP comme prestataires de conseil informatique à haute valeur ajoutée et un réhaussement du niveau de portage de la dématérialisation au niveau régional.

La dématérialisation apparait clairement comme l’un "des leviers principaux d’évolution du réseau DGFIP". Une évolution qui permettrait clairement de " différencier les offres de services en fonction des interlocuteurs".

Dans ce cadre et avec la dématérialisation comme condition première, plusieurs expérimentations sont proposées par la mission :

 Constitution de Centres de Services Communs industrialisant les fonctions de dépenses et de recettes des grandes collectivités , le poste comptable de la collectivité n’aurait plus en charge le contrôle et le paiement de la dépense ni le recouvrement amiable ( d’où une révision nécessaire de la responsabilité personnelle et pécuniaire ).

 Des centres de services Communs qui bien entendu permettraient d’effectuer des "économies d’échelles" et de "restituer des effectifs" ( en clair supprimer des emplois ).

 Fusion proposée des paieries régionales et départementales avec regroupement au chef lieu de région.

 L’offre de conseil aux grandes collectivités est jugé INADAPTE.
La mission propose sa centralisation au niveau des DRFIP et un recentrage des DDFIP sur l’animation et l’assistance technique en matière budgétaro-comptable et informatique.

Sur les DDFIP la mission propose de NE PAS DENSIFIER LES COMPETENCES ET LES EFFECTIFS DES DIVISIONS Gestion Publique .

De ce fait, les prérogatives de conseil des comptables publics des trésoreries seraient centralisées au niveau directionnel.

Et la mission va encore plus loin puisqu’elle propose d’expérimenter sur 2 régions la centralisation de l’ensemble des missions de la DGFIP au niveau de la DRFIP pour les GRANDS COMPTES ( Région, département, métropole, ville et EPCI chef lieu de région ).

Enfin, cerise sur le gâteau, la mission propose de faciliter le rapprochement ordonnateur/comptable qui devra être "nécessairement envisagé".

Là encore des expérimentations sont proposées avec un schéma de conversion des postes comptables en AGENCES COMPTABLES.

Le comptable public serait transformé en agent comptable " intégrant la chaîne hiérarchique de la collectivité d’accueil."

Dans ce cadre, la mission indique une nouvelle fois que la mesure devrait générer des "économies d’emplois au sein du réseau DGFIP et des collectivités" et que des adaptations des règles de gestion devront se mettre en place.

Car vous l’aurez compris, dans cet inventaire à la Prévert des travers de la DGFIP ( aucun des services rendus actuellement par la DGFIP aux grandes collectivités ne sort en effet indemne du réquisitoire de l’IGF) il y aurait un ABSENT de marque : L’EMPLOI et les agents de la DGFIP.

En réalité pas vraiment.

Car dès les premières pages il est dit que : " l’égalité du service rendu aux collectivités...... est remise en cause par les suppressions d’effectifs dans le réseau qui fragilise les postes des collectivités les moins peuplées sans pour autant densifier ceux placés auprès des collectivités les plus importantes" , " la dynamique structurelle ( sic) des suppressions d’emplois" ayant concernée les petits postes comme les plus importants. .

Une fois ce constat tiré, la politique de réduction des moyens n’est nullement remise en cause, bien au contraire.

Considérant que 1 227 postes comptables ont des effectifs inférieurs à 4 et sont en grande difficulté ( condamnés de fait ? ), il conviendrait de " contracter le réseau pour prioriser les moyens vers les collectivités les plus importantes."

La mission déplore ainsi que la fusion DGI/DGCP ait coïncidé avec une réduction des fermetures annuelles de trésoreries, leur niveau passant de 209 en 2005 à 33 en 2014.

La constatation vaut indication même si elle n’est pas clairement retranscrite : la relance des fermetures s’impose.

Et à vrai dire les premières remontées départementales nous font dire que le rapport mystère dont la DGFIP ne dit mot est en phase avec la réalité en cours. ( sur 53 départements, la CGT a recensé 123 opérations de fermeture de trésorerie à l’horizon 2016.

De plus, et comme cela a déjà été dit dans le descriptif du rapport que nous venons de faire, les propositions/expérimentations des rapporteurs sont marquées du sceau de la politique d’austérité puisqu’elles n’oublient jamais d’en vanter les effets en matière de réduction d’effectifs et de réduction de la dépense publique ( le conseil aux collectivités devant s’accompagner du respect du dogme de réduction des dépenses qui prévaut dans l’union Européenne ).
De même, l’annexe relative aux comparaisons internationales insiste sur le fait que le modèle à la française est une particularité Européenne, on apprend aussi au détour de l’exemple allemand que les fonctionnaires chargés du recouvrement perçoivent un intéressement en fonction des sommes recouvrées ( ahurissant ).

Mais il y a également la question des règles de gestion des agents qui est directement concernée par les préconisations des "experts".

Ainsi, en préambule et en conclusion, ils n’oublient pas de faire un sort au mécanisme de DEFILIARISATION ( qui s’applique désormais complètement ) .

Ce processus est jugé "insatisfaisant" ( pour ne pas dire plus ) , responsable d’inadéquation "entre le poste et son titulaire" et responsable ,exemple à l’appui, d’accidents sanitaires ( la recette municipale de Bordeaux étant donnée en exemple ).

La défiliarisation généralisée au 1er janvier 2015 est ainsi jugée à RISQUE.

Les dangers pointés par la mission étaient de fait en gestation dans le processus de fusion qui serait achevé selon nos Ministres et Directeurs. Comment concevoir que la fusion de deux directions ( dont le principe n’avait d’autre sens que celui de la réduction des dépenses et de la dévitalisation de l’Etat ) comptant 130 000 agents et assumant un éventail de missions très divers pourrait être achevé en l’espace de cinq ans et sans politique de formation d’envergure ?

A ce sujet, si la mission n’omet pas de pointer les insuffisances coupables de la formation made in DGFIP dans le cadre de la défiliarisation ( "nécessité de renforcer le dispositif de formation" ) elle tire également d’autres conclusions et accorde plusieurs pages à la nécessité de mettre en pièce les règles de gestion et d’affectation basées sur le principe de l’ancienneté administrative pour faire l’apologie de l’individualisation et du PROFIL comme critère essentiel en donnant aux directions locales un rôle plus important en termes d’affectation des agents.

Nous le constatons, ce rapport est également en phase avec le projet d’application du Rifseep et la mobilité forcée que permettra la mise en oeuvre de ce nouveau régime indemnitaire s’il est appliqué à la DGFIP. C’est pourquoi la CGT le dénonce et combat pour son retrait !

On le voit, il y a dans ce rapport une batterie de mesures dont certaines sont déjà à l’œuvre dans le cadre de la démarche stratégique de la DGFIP, les experts sollicités en appelant de fait à une accélération du processus et à mots couverts à une remise en cause de l’existence même de la DGFIP en tant qu’administration centrale à réseau déconcentré, dotée d’un maillage territorial dense.

La CGT a diffusé à plusieurs reprises des expressions relatives à la démarche stratégique en titrant DEMARCHE STRATEGIQUE LA FIN DE LA DGFIP ?

A chaque fois, à longueur de CTR et de CTL, de Bruno Parent aux directeurs départementaux , nous avons eu droit à un flot ininterrompu de propos convenus se voulant rassurants et à des contre-vérités niant l’évidence d’un démantèlement en bonne et due forme.
Au mieux, l’exemple des emplois vacants est significatif, les directeurs se contentent de nous dire qu’ils font remonter et redescendre les informations : des liftiers d’ascenceur.

La DGFIP doit des explications au réseau et aux agents sur le contenu de ce rapport et sur ce qu’elle compte en faire, tout comme elle doit cesser d’afficher le mépris le plus total en refusant de communiquer clairement tant au niveau central que local sur le contenu exact de la démarche stratégique directionnelle à horizon 2018.

En tout état de cause, et alors qu’une nouvelle vague de 2 548 suppressions d’emplois est annoncée à la rentrée , il est clair que seule la mobilisation des agents pourra empêcher la destruction programmée des missions et des droits des agents.

UN RAPPORT IGF QUI EN DIT LONG. La gestion des collectivités locales dans la ligne de mire de la démarche stratégique.

En pièces jointes : la conclusion du rapport et les propositions ainsi que le rapport complet de l’IGF.

Article publié le 29 juillet 2015.


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